lundi 2 juillet 2007

Niger: à Agadez, la misère nourrit la "tentation rebelle" chez les jeunes

AGADEZ (AFP) - "A cause du chômage et de la misère ambiante, beaucoup de jeunes sont d'accord avec les rebelles". Awal, 25 ans s'accroche à son "kabou-kabou" (moto-taxi) pour ne pas succomber à la tentation d'aller rejoindre les Touareg du Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ).
Natif d'Agadez et diplômé en comptabilité, Awal raconte que deux de ses copains "usés par le chômage" ont déjà gagné les montagnes de l'Aïr, à plus de 400 kilomètres au nord, place forte du MNJ. "Ils savent que je ne suis pas discret, alors ils m'ont fait croire qu'ils partaient à Arlit (la cité de l'uranium) pour chercher du travail", sourit le jeune homme.

Pour Alhassane, qui travaille dans un restaurant, il y a à Agadez deux types de personnes: celles qui croient à la cause des rebelles mais n'ont pas le courage de franchir le pas et celles plus téméraires qui partent "combattre".

"Si l'ennemi était étranger, j'aurai combattu, mais là c'est un conflit fratricide, je ne peux pas tirer sur mes frères soldats", admet toutefois Alhassane. Les forces de l'ordre stationnées dans la région sont conscientes que les dirigeants du MNJ bénéficient de complicités dans la population, mais elles redoutent que des arrestations massives ne provoquent un soulèvement populaire.

Une première rébellion touareg avait éclaté dans la région en 1991, et débouché en 1995 sur des accords de paix, prévoyant "une large autonomie" de gestion des zones touareg et la reconversion socio-économique des rebelles.
A l'époque les Touareg avaient justifié leur révolte par le fait que l'uranium, dont le Niger est le troisième producteur mondial, est exploité depuis 40 ans de leur sous-sol mais qu'ils n'en profitent absolument pas.
En 2006, l'assemblée nigérienne a voté une loi allouant 15% des bénéfices des sociétés minières aux collectivités sur le territoire desquelles le précieux minerais est extrait.

Pour le MNJ ce n'est pas assez pour résoudre les problèmes socio-économiques des "hommes bleus", et la paix ne peut s'instaurer qu'avec l'application intégrale des accords de 1995.

Le groupe armé dirigé par Agaly Alambo, qui travaillait autrefois dans le tourisme, exige que 90% des emplois des sociétés minières soient attribués aux locaux, et que ces sociétés injectent 50% de leurs revenus dans des programmes de développement de la région d'Agadez, une des plus déshéritées du Niger.

Le MNJ s'est déjà manifesté par l'attaque en avril d'un site géant d'exploration d'uranium du numéro un mondial, le français Areva, et plus récemment de l'aéroport d'Agadez et d'un escadron de l'armée dans le nord. Lors de cette dernière attaque, le bilan avait été lourd pour l'armée: 13 morts et 41 prisonniers.
"Regardez, autour de vous: rien que des jeunes désoeuvrés et la misère! Un peu d'investissements pour que la population puisse bénéficier de soins médicaux, d'écoles et de puits pastoraux, ne ruineront pas le Niger", lance un opérateur économique d'Agadez. "Au lieu de cela, on déverse des déchets radioactifs dans nos rues", maugrée un sympathisant d'une ONG locale basée à Arlit.

"On a cru étouffer la première révolte (des années 90) en distribuant de l'argent et des voitures à quelques influentes personnalités locales et en nommant d'ex-chefs rebelles à des postes importants, c'était pas la bonne option", analyse pour sa part Mohamed Sidi, un mécanicien automobile. Les partis politiques d'Agadez, qui n'ont pas désapprouvé les revendications du MNJ, ont réclamé samedi un cessez-le feu "immédiat" dans le nord, et demandé au président Mamadou Tandja "de tout mettre en oeuvre pour garantir la paix dans le pays". Niamey s'obstine pour sa part à nier toute résurgence d'une rébellion touareg dans le Nord, attribuant l'insécurité ambiante à des "bandits".
source:AFP