mercredi 20 février 2008

L’art d’être touareg aujourd’hui

Les hommes bleus sur cimaises washingtoniennes
Ils sont des apparitions. Soudain, on les voit surgir entre les dunes, dominant le paysage du haut de leurs chameaux blancs et fièrement drapés dans leurs voiles bleus qui ne leur découvrent que les yeux. Immuable image des Touareg. La teinture indigo de leurs voiles, déteignant souvent sur leur visage, leur a valu d’être surnommés « les hommes bleus ». Image teintée aussi d’exotisme et de romantisme. Mais que sont-ils devenus aujourd’hui ? La réponse est donnée par une exposition qui se tient actuellement au Musée des arts africains à Washington sous le titre « L’art d’être touareg aujourd’hui : les nomades du Sahara dans le monde moderne ».Loin d’être figée dans ses traditions et dans les peintures orientalistes (notamment de Delacroix, Gérôme et Matisse), cette peuplade des déserts d’Algérie, du Niger et de Bali fait avec aisance le va-et-vient entre le passé et le présent, le calme du désert et le brouhaha des villes.
C’est ce que donne à voir cette exposition à travers des photos et une multitude d’objets de leur création.Collaboration avec HermèsTémoin spectaculaire de cette immersion dans un univers qui leur est en principe étranger, leur collaboration avec la célèbre maison Hermès qui leur avait commandé, il y a quelques années, des accessoires en argent qui ont servi à orner des sacs, des ceintures et des bijoux portant sa griffe. Par ailleurs, une collection de foulards Hermès avait été réalisée à partir de motifs et de couleurs touareg.À noter que dans leur artisanat, les hommes bleus continuent à utiliser les techniques ancestrales. Par ailleurs, le partage du labeur n’a pas changé non plus : le travail de l’argent est une affaire d’hommes et celui du cuir est du ressort des femmes. C’est ce que l’on apprend notamment dans la première partie de l’exposition réservée à une galerie de portraits explicatifs de la vie actuelle de ces nomades. De là, on pénètre dans une galerie qui évoque l’immensité du désert où a été dressée une tente à mâts décorés et entourée de brise-vent à motifs.
Le mode de vie est suggéré par des bols de bois, des sacs en cuir, des selles de chameau, des poignards, des épées, des bijoux classiques et des instruments de musique. Une vidéo montre des Touareg avec leurs voiles bleus qui tantôt se déplacent à dos de chameau, tantôt en 4 X 4. Les femmes (qui, elles, ne se voilent pas) portent des robes locales brodées aussi bien que des vêtements importés. Les musiciens jouent sur un tambour fait de peau de chèvre ou sur une guitare électrique.
Thomas Seligman, responsable de l’exposition et aussi grand spécialiste de cette peuplade, précise : « La pratique du commerce est à l’origine de cette adaptabilité. Et le commerce a eu une grande influence sur la culture. » Puis il a mis l’accent sur le point suivant : « J’espère que cette exposition sera une occasion pour que les gens découvrent que des choses magnifiques se passent en Afrique, car les médias ne braquent les feux que sur l’extrême pauvreté, les maladies, le despotisme et la corruption politique de ce continent. Ce qui nous a empêché de saisir la complexité de sa mosaïque culturelle. »
WASHINGTON, d’Irène MOSALLI